À découvrir le vendredi 12 décembre 2025 à 19h00 au cinéma Le Bourg
WINTER BREAK
du réalisateur Alexander Payne

Synopsis
Dans le courant des années 70, un instructeur maussade d’une école préparatoire de la Nouvelle-Angleterre reste sur le campus pendant les vacances de Noël pour garder une poignée d’étudiants qui n’ont nulle part où aller. Il noue bientôt un lien improbable avec un fauteur de troubles intelligent, mais endommagé, et avec la cuisinière en chef de l’école, une femme qui vient de perdre un fils pendant la guerre du Vietnam.
Winter Break ( titre original The Holdovers) fait partie de ces drames dont on ne sort pas dévasté, mais, paradoxalement, l’âme enjouée. Dans ce formidable retour au cinéma américain classique des années 1970, réalisé par Alexander Payne à partir d’un scénario écrit par David Hemingson, on suit l’histoire de trois personnages, chacun marqué à sa manière par le poids des blessures de la vie.
La caméra du cinéaste américain – que l’on connaît principalement pour Sideways (2004), The Descendants (2011) ou Nebraska (2013) – embrasse ces laissés pour compte, réunis dans un pensionnat de la Nouvelle-Angleterre. Si Winter Break était une chanson, elle serait de celles qui se jouent les soirs d’hiver au coin du feu. Comme une mélodie folk, évoquant avec déférence le répertoire seventies, adaptée en quelques arrangements efficaces et la conviction que la sincérité du propos et le soin de l’exécution sauront toucher le cœur de l’auditoire. Et, de fait, Alexander Payne séduit en toute simplicité avec cette comédie douce et son trio de personnages mal assortis, qu’il sait nous rendre particulièrement attachants grâce à un sens savoureux des dialogues. Leur aventure prendra l’allure d’un petit road-movie initiatique, soufflant sur le film un air nostalgique.
Le huitième long-métrage d’Alexander Payne débute dans un beau désordre, sous une large couche de neige et les tintements des chants de Noël, où rien ne se déroule comme prévu. Si on pensait tomber sur l’un de ces contes merveilleux où tout n’est que réjouissance, on s’aperçoit rapidement que ce n’est pas la route empruntée par le réalisateur. L’Américain n’a pas peur des embûches, pas plus que des ambiances cafardeuses. Au contraire, c’est dans les situations les plus maussades qu’il parvient à faire percer la lumière, c’est dans ses portraits de personnages désabusés qu’il fait naître la tendresse, c’est dans le désagréable qu’il s’en tire le mieux.
Au gré d’une photographie désuète et d’une bande son délicieusement festive, Winter Break conte les désillusions de ce trio improbable mais sur qui tout le charme du film repose. Paul Giamatti, dans le rôle du professeur Paul Hunham, est parfait et franchement drôle dans le rôle de l’enseignant mal aimé tantôt par ses collègues, tantôt par ses élèves qui ne retiennent pas une miette de ses cours dédiés aux civilisations antiques. Des leçons pompeuses dictées par un professeur qui a du mal à transmettre sa passion et préfère noyer ses étudiants sous une avalanche de devoirs. Mais lorsqu’on gratte un peu cette dureté apparente, on découvre un homme déçu par la vie qui traîne avec lui un vieux sentiment d’échec. Il n’a pas réussi à écrire le livre qu’il aurait voulu, pas plus qu’à s’élever dans les hautes sphères éducatives. Depuis son départ prématuré d’Harvard, il n’a jamais plus quitté Barton, pensionnat où il a grandi et où il vit désormais. Sa vie sociale est à l’abandon, tout comme ses rêves. Finalement, il en est venu à incarner une résignation franche quant à la possibilité de vivre une vie meilleure. Et c’est pour cette raison qu’il est désigné parmi tout le corps professoral pour superviser les quelques malheureux élèves qui n’ont nulle part où aller pendant les vacances.
La peine de Paul se retrouve liée à celle d’Angus, un élève qui n’a de sérieux que les résultats scolaires. Alors qu’il espérait passer les fêtes auprès de sa mère et de son nouveau mari, ces derniers se rétractent à la dernière minute. Une promesse de vacances annulée en un coup de fil, et qui oblige l’adolescent à rester dans l’établissement pendant les fêtes de fin d’année. À cette privation s’en suit l’ennui lancinant, des journées d’hiver où il n’y a rien d’autre à faire que d’étudier. Angus n’a pas encore la majorité mais ses rêves semblent déjà envolés. Lui aussi ! Pourtant, ce n’est pas faute de les nommer : il veut patiner sur la glace, décorer un sapin de Noël, aller au cinéma ou au bowling. En la compagnie de son professeur grincheux, il va progressivement s’extraire de son sort. Des brides de discussions qui “resteront entre eux” aux excursions improvisées, les deux hommes nouent au fil des jours – et des minutes pour son spectateur – une complicité adorable et jouissive.
Le tandem est rejoint par Mary, qui travaille en tant que cuisinière au sein de l’école. Elle a accepté le poste il y a plusieurs années pour permettre à son fils d’y étudier. Mais tandis que ses camarades sont partis pour l’université, ce dernier a dû servir l’armée américaine est a été tué au combat au Vietnam. Jouée par une Da’Vine Joy Randolph tout en émotion et retenue, ce personnage parvient à nous attendrir dès les premières séquences où il apparait. Peut-être parce qu’elle porte une souffrance sourde et si forte qu’elle peine à l’endormir, chaque pas au sein de Barton lui rappelant sa perte. Peut-être parce que dans tout ce chagrin émane une dignité folle. Ou peut-être aussi parce que Da’Vine Joy Randolph est une actrice épatante. Alexander Payne a bien fait de l’inviter aux côtés de ses pairs masculins. Elle les complète parfaitement. Et lorsqu’elle les quitte, le temps d’un voyage qui dure une vingtaine de minutes à l’écran, elle nous manque immédiatement. Mais la savoir en lieu sûr, et connaître les raisons qui l’amènent à se mettre en retrait, nous rassure. La retrouver quelques temps plus tard accroît l’immense tendresse qu’on éprouve à son égard.
Malgré son infortune, elle est la lueur d’espoir. Avec Paul et Angus, elle éclaire les endroits où il ne semble plus y avoir de vie. Elle tord la nostalgie, ravive la brume et esquisse un sourire léger à l’avenir. Celui de son actrice, Da’Vine Joy Randolph, s’est élargi lorsque son nom est sorti du scrutin annonçant la Meilleure actrice dans un second rôle aux Oscars 2024 (un titre qu’elle a par ailleurs déjà décroché aux Golden Globes, ainsi qu’aux BAFTA). Auprès de Da’Vine JoyRandolph, c’est toute l’équipe de Winter Break que l’on a d’ailleurs pu apercevoir lors de la cérémonie, où le film était également nommé dans les catégories du Meilleur scénario original (David Hemingson), du Meilleur acteur (Paul Giamatti) et, la plus belle des catégories, celle du Meilleur Film.
Titre original : The Holdovers
Année : 2023
Pays : États-Unis
Réalisateur : Alexander Payne
Durée : 133 mn
Âge légal /Âge suggéré : 12/12
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